Tout le monde n’est pas égal face au déménagement

Publiée le vendredi 01 mars
Dans la longue liste des facteurs d’inégalités, il va falloir ajouter la mobilité résidentielle. Avoir la possibilité, et l’envie, de déménager est un marqueur social. Tel est l’un des enseignements les plus surprenants issus du rapport de l’Observatoire des territoires consacré aux mouvements de la population en 2018.
«Nous sommes très inégaux face à la mobilité, explique Hugo Bevort, directeur des stratégies territoriales au Conseil général à l’égalité des territoires dont est issu l’Observatoire. Pour les actifs les plus diplômés, la mobilité a un effet positif. Pour les moins diplômés, c’est l’inverse.» Le clivage fonctionne même pour les jeunes : alors que les études supérieures constituent une bonne raison de partir ailleurs, «les moins dotés en capital économique et culturel ont tendance à moins bouger,remarque Louise Haran, coordinatrice du rapport. Il y a un phénomène de renoncement aux études.»
Les deux crises économiques de 1973 (premier choc pétrolier) et de 2008 (subprimes) n’ont pas eu les mêmes conséquences sur les mobilités. «Dans les années 1970, la crise les a augmentées», dit Louise Haran, mais le marché de l’emploi encore dynamique, pouvait expliquer ces mouvements. «Aujourd’hui, après des décennies de chômage de masse, la crise fixe les individus», ajoute-t-elle. Pour certaines catégories de population, l’injonction à être mobile pour s’en sortir «sonne creux,analyse Hugo Bevort. Le territoire dans lequel on vit, le tissu de relations familiales ou amicales constituent une ressource d’autant plus importante que l’on est pauvre».
Les Français ne sont pourtant pas aussi immobiles qu’on le dit couramment. Avec un habitant sur dix qui change d’adresse chaque année, la France se situe deux points au dessus de la moyenne européenne. Malgré cela, «la mobilité résidentielle a eu tendance à baisser au cours des dernières années: légèrement depuis les années 2000 et plus franchement à partir de la crise de 2008», lit-on dans le rapport. De plus, ceux qui bougent ne s’éloignent pas trop: les deux tiers des déménageurs ne franchissent pas la limite du département. Là encore, la différence sociale joue: 25% des ouvriers et des employés qui changent d’adresse quittent le département contre 41% des cadres.
Où vont les déménageurs? En priorité vers l’ouest et le sud (mais pas en Paca, qui a perdu en attractivité depuis huit ans). Qui sont les perdants? Les territoires du nord et de l’est, qui attirent peu de nouveaux arrivants. Enfin, au rayon des perdants surprenants: l’Ile-de-France. «On assiste à un renversement total de son attractivité résidentielle», constate Louise Haran. La région, qui gagnait 15 000 habitants par an au début des années 1970 en perd désormais 51 000 chaque année. Où vont-ils ? Un peu plus loin vers l’ouest. La population de la région continue néanmoins à augmenter grâce à sa natalité. D’une manière générale, les mobilités résidentielles montrent que l’éloignement fait de moins en moins peur. Le choix de vivre dans les périphéries immédiates des métropoles est progressivement remplacé par la décision d’aller dans des territoires plus ruraux et plus éloignés. Une tendance qui augmente la dépendance à la voiture avec les conséquences que l’on sait sur le niveau de vie des ménages.